L’Alouette nègre, au cœur des steppes eurasiennes

L’Alouette nègre symbole officiel

L’Alouette nègre (Melanocorypha yeltoniensis) a été choisie comme symbole officiel de la XIIIe Conférence ornithologique internationale du nord de l’Eurasie, tenue à Orenbourg en avril-mai 2010, par décision du Bureau de la Menzbyr Ornithological Society. Sur la base de considérations purement formelle de nomenclature, d’autres représentants non moins frappants de l’avifaune des steppes (l’Aigle des steppes, la Glaréole à ailes noires) peuvent également revendiquer le rôle de symbole ailé des steppes. La grande Outarde, l’Outarde canepetière, le Vanneau sociable, l’Alouette leucoptère n’ont pas moins de «droits» à cet égard. Tous, à un degré ou à un autre, sont considérés comme des habitants typiques de la steppe. Cependant, un examen plus approfondi révèle une distribution assez large de nombre d’entre eux bien au-delà de la zone de steppe et appartenant à d’autres types de faune.

Alouette nègre dans la neige
Alouette nègre femelle
Photo de Anatoly Davygora (médiathèque LPO Normandie)

L’Alouette nègre est l’une des rares espèces dont l’origine steppique primordiale est reconnue. Sa zone de nidification couvre le territoire de steppes et semi-déserts du sud de la Fédération de Russie et du Kazakhstan. Compte tenu de l’endémisme extrêmement faible de l’avifaune des steppes, seule l’Alouette noire se trouve dans les paysages de steppe toute l’année. Son apparence même est une illustration vivante de la nature contrastée de la steppe. Aucune des alouettes du nord de l’Eurasie n’a un dimorphisme sexuel aussi prononcé. Un spectacle étonnant et tout simplement surréaliste est donné par les mâles noirs comme le charbon de l’Alouette nègre dans la steppe printanière fleurie ou au milieu des plaines steppiques immaculées, couvertes de neige, sous le blizzard en hiver. La couleur noire de la robe est gracieusement mise en valeur par des ondulations blanc jaunâtre sur le dos et le cou. Les femelles, à la manière des autres alouettes, ont une tenue bigarrée brun grisâtre.

Alouette nègre dans les herbes

Les mâles et les femelles hivernant séparément se retrouvent dans les aires de reproduction à la fin mars – début avril. Pendant la période de nidification, les alouettes nègres se trouvent dans des endroits où les herbiers sont bas et clairsemés sur les marais salés des dépressions lacustres et dans les steppes adjacentes. Les pâturages modérés et les marécages piétinés par le bétail sont favorables à la nidification de cette espèce, ainsi qu’à de nombreux autres oiseaux nicheurs des steppes. Les alouettes évitent les zones avec une couverture herbeuse serrée et haute. Les couples se forment et occupent les zones de nidification.

Les vols nuptiaux extrêmement spectaculaires des mâles commencent. Leur beauté ne peut être comparée à aucune des alouettes vivant dans la ceinture désertique et steppique d’Eurasie. Le mâle flotte littéralement à une hauteur de plusieurs dizaines de mètres, lentement, battant des ailes, comme un grand papillon voilier. Le voir glisser vers le sol, les ailes relevées en hauteur n’est pas moins impressionnant.

Alouette nègre posée sur un poteau

Le chant de l’Alouette nègre n’est pas très expressif. Chaque mâle dans sa zone de nidification a généralement plusieurs points d’observation préférés, des perchoirs dominant le relief général (des pierres, des branches sèches d’arbustes). Ils se posent volontiers sur le bord de la route, où ils ramassent de petits cailloux (les gastrolithes) et des graines de graminées. Les alouettes nègres nichent au sol, dans les zones d’herbes clairsemées. Les deux parents se partagent le soin de la progéniture. Les jeunes à l’envol peuvent être déjà vus dans la première quinzaine de juin.

L’hiver

Jusqu’à fin juillet – début août, les alouettes restent dans leurs lieux de nidification. Puis elles commencent à migrer dans les steppes environnantes. Avec l’arrivée du temps froid, un phénomène étonnant se produit dans la vie des alouettes noires: les mâles et les femelles se rassemblent en groupes séparés et ne se reverront plus avant le printemps. Les femelles migrent vers des zones plus méridionales sans neige.

groupe d'alouettes nègres dans la neige
Alouettes nègres dans la neige
Photo de Anton Lyapin (médiathèque LPO Normandie)
paysage avec un groupe d'alouettes nègres dasn la neige

Les mâles vont passer un long hiver dans les conditions difficiles des steppes, à découvert avec une épaisse couche de neige, de fortes gelées et des tempêtes de neige. Leur principale préoccupation à ce moment est la recherche de nourriture (graines de céréales et d’adventices). Dans un passé pas si lointain, lorsque les ongulés sauvages vivaient encore dans la steppe en hiver et que les peuples nomades étaient engagés dans la tebenyovka (le pâturage hivernal des chevaux, du bétail et des moutons), se nourrir ne constituait apparemment pas de grandes difficultés pour les alouettes. À la fin du siècle dernier, de grands rassemblements de mâles se nourrissaient sur les routes réservées aux moyens de transport tirés par des chevaux, ou encore dans les zones d’alimentation ouvertes des fermes d’élevage.

Maintenant c’est différent. Des groupes d’alouettes mâles errent le long des pentes exposées au vent des collines de la steppe, les bords des pistes, où un vent fort souffle et enlève la neige permettant un accès aux graines. Le déclin de l’agriculture traditionnelle en Russie et au Kazakhstan a sans aucun doute réduit «l’arène de la vie» de cet endémique des steppes. À l’heure actuelle, le nombre d’alouettes nègres a considérablement diminué, en particulier dans la partie ouest de l’aire de répartition, où elles ont disparu, dans de nombreuses régions du sud-est du territoire européen de la Russie et dans l’ouest du Kazakhstan.

Alouette nègre et marmotte dans l'herbe

Ce n’est pas seulement un oiseau familier, mais un oiseau symbolique pour les nomades des steppes eurasiennes, dont toute la vie et le bien-être, comme ceux de l’Alouette nègre, sont liés aux vastes étendues de la steppe. Dans la langue kazakhe, cet oiseau porte le joli nom de «karatorgaï », en russe « tchorniy javoronok » (Alouette noire). Il est chanté à plusieurs reprises dans l’épopée folklorique kazakhe, des chants tristes et lyriques des nomades des steppes.

La santé des populations de ce symbole ailé des steppes dépend, semble-t-il, non seulement de la préservation des îlots restants de steppes intactes, mais aussi de la renaissance du système traditionnel de gestion et d’utilisation de la nature steppique : pâturage et transhumance du bétail, élevage comme le pratiquaient les nomades.

Page réalisée en collaboration avec Anatoly Davygora, grâce aux traductions de Galia Lagrost. .